Je n'ai pas envie de vous parler de Nelly Arcan.
Pourtant, depuis que j'ai lu
La Honte, hier, j'ai l'impression de trainer dans ma tête toute la tension de sa propre analyse déformée d'elle-même. (Le fait que la robe qu'elle y décrive soit verte alors que la vraie était noire, me trouble étrangement par cette obsession de détails niaiseux qui au final ne sont pas basés sur la réalité.)
Je vais le dire tout de suite: cette fille là, elle me fait chier. Même morte, elle dérange, fait parler d'elle. Elle m'exaspère, me lasse. Elle est insupportable. On aurait envie de la secouer et de lui dire d'en revenir, de cesser son monologue obsessif et sa vision du monde dans lequel elle semble être le centre de l'univers.
Son putain de nombril (probablement percé) m'énarve bin raide.
Mais ce n'est pas parce que je parle au-dessus de sa tombe que je crache dessus. Au contraire.
Depuis sa mort, elle me touche beaucoup plus qu'elle ne l'aurait jamais fait de son vivant. Sa vulnérabilité était fort moins apparente alors qu'elle se mettait encore elle-même en scène. Maintenant, je pense que sa souffrance parle plus fort que son esthétique, at last. Ce qui est en soi, un petit drame.
Parce que dramatique est un mot clé quand on songe à la femme qui tenait la plume. Mais ça s'explique, à mes yeux. Je ne suis qu'une spécialiste de la perruque métaphysique, après tout, mais mon opinion est assez clair au sujet des controverses entourant cette femme: elles sont dues à un trouble de la personnalité histrionique vraiment SOLIDE.
Cette fille là, c'était la mascotte des hystériques. Mot que je déteste, par son origine référant à "l'utérus de la femme qui se déplace en elle." Fucking n'importe quoi comme mot venu des Grecs.
Chaque personne à différents traits qui constituent sa personnalité. Les gens de communications ont tous certains traits histrioniques, moi la première, cet espèce d'appel intérieur à exister dans le regard des autres, dans une certaine mesure, sans que cela ne se transforme en comportements pathologiques. Ils sont plus dramatiques, plus expressifs. Mais y a-t-il vraiment quelque chose de mal dans le fait d'avoir le sens du drame? Je ne crois pas, je crois que les Grecs avaient raison sur un point (minimum :)) : la représentation de la vie via des tragédies théâtrales. Tout reste une question de mesure, je suppose. Et quand ce désir de séduire le monde entier devient mésadapté au monde réel, quand on se situe dans le monde en rapport avec la perception publique de notre paire de boules, ça devient un problème, une souffrance réelle pour la personne mais aussi sans doute pour son entourage.
Il est beaucoup plus charmant d'être une histrionique dans notre siècle que d'être un psychopathe. Moins dangereux, également. Excepté que les histrioniques ont probablement un taux de tentatives de suicide gargantuesque en comparaison.
C'est d'une tristesse et d'un vide, ahurissants.
Cette fille là n'a pas décidé consciemment de creuser son propre catch-22. Dans une sens, sa position de victime et de bourreau est complètement fascinante, son point de vue, assez unique aussi. Et elle avait l'intelligence de transformer ses maux en analyse, en contenu. Vraiment pas un vase vide, malgré la facilité d'en venir une telle conclusion en se basant sur son allure superficielle.
Mais je ne vous parle pas vraiment de Nelly présentement, je m'inspire d'elle pour réfléchir à la silhouette de son type de personnalité. Honnêtement, c'est ce genre de caricature que je ne voudrais jamais atteindre, quoi que je crois que c'est un exploit de ridicule en soi de devenir une bombe séductrice prête à imploser, à ce point. J'ai mal à m'imaginer le sentiment d'être dans sa peau sur le point de pourrir. (Je la paraphrase un peu.)
Je me dis, c'est fou comme par moments, la détresse et la souffrance peuvent se contenir dans un format "bustier" qui fera vendre. C'est la bonne époque pour faire fortune avec ce genre de mal humain.
C'est fou que dans un sens, on encourage silencieusement le malheur des autres, en les laissant faire, en ne voyant pas ce qu'ils sont, mais surtout, en ne reconnaissant pas que certaines personnes ont des problèmes qui vont bien au-delà des opinions, qui sont carrément encrés dans leur psyché, qu'on les croit dans une position de choix alors qu'ils sont prisonniers de leur carcan.
Cette fille là n'aurait jamais dû passer à la télévision. Mais je ne parle pas de cette Nelly. Je parle simplement de la prochaine.
J'ai peur pour elle, car dans son cas, il n'est pas encore trop tard d'annuler sa visite chaperonrouge-esque dans l'univers du grand méchant loup.
La télévision, c'est vraiment une cire de chandelle pour les mouches.