Mon premier emploi quand j'ai eu 17 ans était chez Tim Hortons. Dès la première semaine, après avoir rencontré mon équipe et ma clientèle, j'ai commencé à faire jouer dans ma tête How to disappear completely de Radiohead. "I'm not here, this isn't happening. "
J'étais quand même bien contente que quelqu'un me donne ma première chance, cela dit. Disons que la source de ma déception était probablement que j'avais seulement trop souvent regardé les annonces à la télé du resto avec Minou pis Pitou, et trop peu observé la profonde dynamique sociale sur le terrain de ce lieu de transit remplis d'habitués.
VERSUS
C'est pas que les autres filles (et oui, il y a autant de gars qui y travaillent que d'étudiants gars dans mes cours d'histoire de l'art durant cette session-là au Cégep) n'étaient pas fines…
C'est plus qu'elles étaient vraiment connes pis hypocrites, avec le recul de l'âge.
Le soir de mon premier shift, la "fille" pognée avec la nouvelle à former m'a dit de rester une heure supplémentaire après la fin de mon quart de travail, pour finir l'astronomique pile de vaisselles qui n'avait pas été lavée, puisqu'il n'y avait pas assez de personnel, afin qu'elle finisse son shift à temps, dans une heure. (Parce que le bol en pain, il se sert quand même dans une assiette, tsé.) On a refusé de me payer cette heure-là, après tout c'était ma faute si j'étais la nouvelle en formation qui ralentit tout.
J'ai pris ça comme une initiation, typique des cliques de lutins. Après que j'ai voulu démissionner, j'ai senti un certain "respect": celui que les gens qui ont besoin de se servir de nous nous démontrent d'habitude. Je n'ai plus eu à rester une minute de plus après le quart de travail, soulagée d'enlever mon filet, ma calotte, et mon costume bourgogne qui imitait le look du Colonel Sanders par sa cravate papillon complètement inutile, voire dangereuse, pour l'orgueil du moins.
Cette expérience sordide à temps partiel s'est terminé après 2 mois de gaffes de ma part, telle que de vouloir prendre la vadrouille et frapper le gros bac de savon au-dessus du "bunker à mop" et ainsi recevoir le tout sur ma tête et en me rentrant le manche de ladite mop dans l'oeil, recevant une tempête de neige de poudre à laver dans la gueule, genre! (Dramatisation légère de cet épisode réellement Vaudeville, puisque j'en garde un souvenir flou quoi que modérément hilarant aussi.)
On n'était vraiment pas fait pour être ensembles, tous les deux, finalement. C'était un peu de ma faute si j'étais pas une bonne préposée aux beignes. J'ai beau avoir essayé de faire de mon mieux pour changer le café aux 20 minutes et d'être aussi élégante que la préposée dans le cd-rom informatif de la formation pré-formation en construisant la boite de timbits à partir d'un morceau de carton, j'étais juste trop 22ième siècle pour toi, Tim. Toi trop 20ième. L'an 2000 s'en venait rapidement. C'était juste pas un bon timing pour nous deux, j'pense.
Bin (quand j'écris "ben" ça sonne comme un petit nom pour "Benoit", pis c'est juste mêlant) j'ai appris une chose de c't'expérience du yiâble comico-dramatique qu'est le passage obligé vers les soi-disant "emplois étudiants":
Le monde qui se brûle les doigts après des centaines de toats au beurre avec moitié beurre de peanut crunchie d'un bord moitié beurre de peanut lisse de l'autre, avec un quart de confiture orange pis un tier de confiture aux fraises, et ce, chaque jour de leur vie….bin ils seraient d'excellents espions, car ils ne doivent plus avoir d'empruntes digitales sur les mains.
Depuis ce temps-là, je leur laisse du tip sur le comptoir à côté de la caisse. Même si c'est contre les règles internes dudit restaurant que de mettre un vrai pot à tips, malgré que ça pourrait justifier l'idée de payer un salaire à pourboires aux employés.